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« La question qui divise les hommes de nos jours, c’est de savoir qui l’emportera de l’esprit d’égoïsme ou de l’esprit de sacrifice, si la société ne sera qu’une grande exploitation au profit des plus forts ou une consécration de chacun au service de tous. »

Frédéric Ozanam , fondateur des Conférences St Vincent de Paul

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 » S’il s’en trouve parmi vous qui pensent qu’ils sont envoyés pour « évangéliser » les prisonniers et non pour les soulager, pour remédier à leurs besoins spirituels et non aux temporels, je réponds que nous devons les assister en toutes manières par nous et par autrui : faire cela, c’est évangéliser par paroles et par œuvres, et c’est cela le plus juste… »


  Saint-Vincent de Paul (1581-1660)
(Premier aumônier des prisonniers)


« … j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; j’étais nu, et vous m’avez vêtu; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi » (Matthieu 25, 35-36).

« Nous avons besoin de vous pour nous redire sans cesse cette commune conviction qui fonde notre envoi en mission à la prison, comme elle fonde notre commune fidélité au Christ : nous ne pouvons nous résigner à l’abandon de certains hommes à leur désespoir ou à leur révolte, à leur soif de vengeance ou au déni de ce qu’ils ont commis…  »

« Il est souvent difficile de comprendre pourquoi tel homme triomphe à la fin de sa mauvaise étoile pendant que tel autre retourne sans cesse à ses ténèbres. Mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’un regard, un silence, une parole au bon moment peuvent sauver un être, parce que, à ce moment, il a senti qu’on l’aimait et qu’il n’était pas tout à fait inutile sur cette Terre »

(JL Daumas, Directeur du Centre de Détention de Caen )

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Quelques paroles de personnes incarcérées …

« Mon histoire avec l’association a commencé quand j’ai appris, au bout de 8 ans de détention, que j’allais avoir une permission. Après 8 ans d’enfermement, on est complètement perdu lorsqu’on sort pour la première fois.

En prison, comme on regarde la télé, on pense qu’on reste en contact avec la vie au-dehors. Mais c’est faux. En 8 ans, tout avait changé et le premier mois après ma libération a été très dur. Au début, quand j’arrivais devant une porte, j’attendais qu’on me donne l’autorisation de l’ouvrir. Dehors, j’avais peur de traverser la rue. J’étais paniqué de ne plus arriver à vivre comme avant. La première chose que m’a donnée l’association, c’est une adresse fixe. Avoir une adresse, c’est la chose la plus importante quand on sort. Pour n’importe quelle démarche elle vous est demandée : pour refaire sa carte d’identité, obtenir une carte vitale, chercher du travail …

Celui qui n’a rien, pas de famille ou d’ami pour l’accueillir à la sortie, pas d’adresse, pas d’attache, il retourne en prison. Quand vous n’avez aucun endroit où dormir, ni d’argent pour payer l’hôtel, vous faîtes comment?

Ça m’a pris du temps pour trouver un travail. Vous imaginez ce que ça peut donner, avec le chômage partout, de se remettre dans le circuit à presque 50 ans, après une interruption de 8 ans ? Plus d’une fois, j’ai cru que je n’y arriverais jamais.

Trouver un logement est aussi difficile que décrocher un travail.

Quand j’étais en prison, je me sentais seul au milieu des autres détenus. Depuis que je suis sorti, je me sens encore plus seul dans la société.

En fait, ce qui va le moins bien ce sont mes relations avec les autres. Quand on a fait de la détention, on le paie jusqu’à la fin.

Nouer de nouvelles amitiés est impossible. Parce qu’on ne peut rien construire sur le mensonge. Si je dis que j’ai fait de la prison pendant 8 ans, la personne prendra peur et ne voudra plus me voir. Mais si je n’en parle pas, si je mens, j’aurai honte de moi et j’aurai peur qu’elle le découvre.

Je ne me raconte pas d’histoires : je sais que je serai toujours seul, que j’aurai toujours besoin de l’aide de structures sociales. je dois l’accepter. j’ai commis une faute, je l’ai payée … je repense souvent à ce que j’ai fait, à ceux à qui j’ai fait du mal. Huit années de ma vie sont passées et j’essaie de faire aussi bien que possible pour pouvoir continuer  à me regarder dans la glace.« 

                                                                Laurent, ancien détenu

Le témoignage de Laurent montre le long chemin que doivent parcourir les personnes sortant de prison pour se réinsérer. Sans nous faire oublier le drame des victimes, il nous aide à comprendre les nombreuses embûches qui parsèment ce chemin : incompréhension, honte, révolte, découragement, sentiment d’inutilité, solitude … Les anciens détenus le répètent souvent : il est très difficile de revenir seul, sans soutien, après des années d’exclusion, dans une société qui a continué à évoluer sans vous.

Le projet de créer l’association Trait d’Union Saint Léonard a résulté du constat des nombreux problèmes rencontrés par les détenus pour se réinsérer et en premier lieu pour trouver un hébergement. Nous avons simplement voulu leur tendre la main …

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Origine de l’association

Contexte général et caractéristiques de la situation carcérale en France :

Les chiffres clés de la Justice en 2019

Paru dans le N°288 – 31 janvier 2020 Juridictions

Le ministère de la Justice a publié en novembre dernier ses chiffres clés pour l’année 2019.(1)

En 2019 le ministère de la Justice compte un peu plus de 86 000 ETP (équivalents-temps plein travaillés) dont la majeure partie travaille dans l’administration pénitentiaire (41 500) et la justice judiciaire (33 500).

Entre 2018 et 2019, le budget de la justice a augmenté de 5,2% passant de 8,6Mds€ de crédits consommés en 2018 à 9,06 Mds€ pour 2019.

En matière pénale, en 2018 les juridictions ont reçu 4 687 990 procès-verbaux. 4 186 004 affaires ont été traitées. 2 873 314 affaires sont classées car non poursuivables : infractions mal caractérisées, charges insuffisantes ou défaut d’élucidation.

Parmi les 1 312 690 affaires poursuivables, 12,3% sont classées sans suite du fait de recherches infructueuses, désistement ou carence du plaignant, état mental déficient, responsabilité de la victime, victime désintéressée d’office, régularisation d’office, préjudice ou trouble peu important. Le taux de réponse pénale s’élève ainsi à 87,7%.

Les juridictions pénales ont prononcé 615 599 condamnations et compositions pénales en 2018 pour crimes, délits et contraventions de 5ème classe (hors tribunaux de police).

Le quantum moyen est de 14,9 ans pour la réclusion criminelle, 8,8 mois pour la peine d’emprisonnement et 500 euros pour une peine d’amende.

En milieu fermé, 187 établissements pénitentiaires accueillent des détenus au 1er janvier 2019 et 60 151 places sont en service.

En milieu ouvert – travail d’intérêt général, sursis avec mise à l’épreuve, libérés conditionnels – 160 623 personnes sont prises en charge à fin 2018.

Pour l’accès au droit, sont ouverts 101 conseils départementaux, 145 maisons de justice et du droit et 32 antennes de justice.

103 services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP)
39 414 agents dont 27 849 personnels de surveillance et 5 095 personnels des SPIP
2,79 milliards d’euros de budget annuel (hors pensions).

La surpopulation est un problème récurrent et identifié depuis longtemps dans notre système carcéral. La population carcérale ne cesse de croître. Il n’y a quasiment jamais eu autant de personnes incarcérées en France. Le taux d’occupation est désormais de 117% et atteint même 139% dans les maisons d’arrêt. Cette sur-occupation, particulièrement préoccupante en maisons d’arrêt, nuit non seulement aux conditions de détention des personnes écrouées, mais aussi à leur accompagnement médical et social, diminuant l’efficacité des dispositifs de préparation à la sortie et de prévention à la récidive.
Le constat est simple : 60 % des personnes sorties de prison sans accompagnement retournent en détention dans les 5 ans. Rupture des liens sociaux, difficultés pour trouver un logement, éloignement de la famille, obstacles dans l’accès aux soins… Les anciens détenus ont souvent du mal à retrouver leur place dans la société.
Les acteurs des lieux de détention (conseillers d’insertion, surveillants, associations …) manquent de temps et de moyens pour préparer la sortie des détenu(e)s dans de bonnes conditions.

Le projet de créer Trait d’Union St Léonard est né de la constatation que nombre de détenus suivis par l’équipe d’aumônerie de la MA de Nice exprimaient régulièrement des demandes d’hébergement d’urgence, pour eux-mêmes dans le cadre de leur libération prochaine, ou pour des membres de leur famille ayant obtenu un parloir et n’ayant pas de solution d’hébergement.
Les travailleurs sociaux de l’administration pénitentiaire (Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation) sont normalement chargés de répondre à ces problèmes de logement mais dans un cadre bien défini, celui des projets d’aménagement de peine ou de préparation à la sortie, soumis à des contraintes de délais de temps qui ne répondent pas aux exigences d’immédiateté formulées par ces détenus.
Les aumôniers s’étant ainsi trouvés souvent sollicités mais démunis et ne voulant pas laisser sans solution les personnes avec lesquelles un lien de confiance s’était établi, ont eu l’idée de créer une association qui pourrait répondre à cette situation.
Cette association devait avoir pour but essentiel de traiter ces demandes particulières d’hébergement mais aussi plus globalement d’aider les détenus sortants de prison à se réinsérer en renouant les liens avec leurs familles, s’ils en avaient, et la société en général. Elle permettrait ainsi de faire la jonction entre l’univers carcéral et la vie extérieure et d’établir un lien, un trait d’union, entre la vie en détention et le retour à la vie en société, période particulièrement sensible et essentielle où le détenu risque de récidiver s’il n’est pas soutenu et aidé. Cette période de transition est en effet capitale pour que la personne qui a connu la détention puisse renouer avec tous les actes de la vie quotidienne. Un accompagnement est donc indispensable durant ce temps critique pour permettre à la personne de retrouver son autonomie et sa place dans la société.
L’idée a fait son chemin, d’autres personnes se sont investies dans ce projet et ont décidé de le concrétiser. Il a été convenu d’appeler l’association « Trait d’Union Saint Léonard».

 Pourquoi Saint Léonard ?…

Léonard fut converti au christianisme par saint Rémi, en 496, en même temps que Clovis. Léonard demanda à Clovis de lui octroyer personnellement le droit de visiter et éventuellement de libérer les prisonniers qu’il jugerait dignes de l’être, et cela à tout moment.
C’est ainsi que Léonard libéra un grand nombre de prisonniers et devint leur saint patron.
Ayant refusé l’épiscopat auquel voulait l’élever le roi des Francs, il entra à l’abbaye Saint-Mesmin de Micy près d’Orléans, que dirigeait saint Maximin ou Mesmin.
Toujours selon sa légende, il devint ensuite ermite dans les forêts du Limousin, où il fut suivi par un grand nombre de disciples. Il pria pour que l’épouse du roi des Francs mît au monde un enfant mâle, ce qui advint. En récompense, il lui fut donné des terres à Nobiliacum (Noblat), où il fonda une abbaye. Un village s’établit à l’entour, qui fut nommé en son honneur Saint-Léonard-de-Noblat.
Les prisonniers qui l’invoquaient du fond de leurs geôles voyaient leurs chaînes se briser. Ils le rejoignaient alors, apportant les fers rompus, et les lui offraient en hommage. Beaucoup restaient avec lui, travaillant dans les bois et les champs et retrouvant ainsi une vie honnête.

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 Le but de l’association : « Favoriser l’hébergement des sortants de prison pour les aider à se réinsérer et retrouver leur autonomie »

Trait d’Union St Léonard est une association apolitique, non confessionnelle et sans but lucratif. Elle s’inspire cependant des valeurs chrétiennes comme d’autres grandes associations plus connues comme le Secours Catholique, la Société St Vincent de Paul, les Petits Frères des Pauvres ou l’Ordre de Malte.

Les objectifs de l’association :
Trouver un logement pour les sortants de prison
Offrir un accompagnement personnalisé pour leur retour à la vie en société et les aider à renouer des liens familiaux
Leur donner le temps nécessaire à leur reconstruction
Être un lieu d’écoute et de partage dans le respect de la liberté de chacun
Mettre en lien avec des partenaires selon les besoins de la personne (accès aux droits, santé, emploi …)

Les valeurs de l’association :
Le respect de la dignité de la personne sortant de prison
Le respect de sa liberté et de sa différence,
La responsabilisation de chacun, véritable acteur de son projet de vie
L’établissement de relations basées sur la confiance
L’encouragement à l’initiative et à la créativité
La solidarité et la coresponsabilité de chacun, membre de la même communauté humaine

Moyens à notre disposition :

L’association dispose de trois studios à Nice pour héberger des personnes sortant de détention ou soumises à un suivi judiciaire. Nous recherchons en permanence des logements supplémentaires pour répondre aux nombreuses demandes de détenus qui préparent leur sortie et s’inquiètent de ne pas trouver de solution, Ils risquent en effet de se retrouver à la rue où ils seront confrontés aux dangers qui y sont liés. Seule l’obtention d’un hébergement stable peut éviter ce cercle vicieux de la prison et de la récidive.